Jules a la bougeotte – 4240km à travers le Pacific Crest Trail

Le « PCT » est l’un des chemins de randonnées les plus célèbres des Etats-Unis, voire du monde ! Long de 4240 kilomètres reliant la frontière mexicaine à la frontière canadienne en passant par la Californie, l’Oregon et l’état de Washington. Du désert aux forêts, en passant par les sommets enneigés de la Sierra Nevada et des parcs nationaux comme Yosemite ou Crater Lake, le PCT est un chemin extraordinaire, popularisé par le livre (puis le film) Wild de Cheryl Strayed. C’était également le rêve de Julien alias Jules a la bougeotte.

Nous avons eu la chance de rencontrer Jules à travers un live en direct sur Instagram, durant le confinement. Nous avons pu revivre son incroyable expédition à travers un récit d’aventure hors du commun. Une évasion par procuration dans laquelle Jules nous fait revivre 5 mois de marche dans une interview sans filtre.

POURQUOI AS – TU DÉCIDÉ DE TE LANCER DANS CETTE AVENTURE ? 

« Je dirais plutôt pourquoi pas. Je suis un passionné de marche et de nature depuis très longtemps. J’ai découvert l’existence des randonnées longues distances il y a 5 ou 6 ans sur des traces qui faisaient plus de 1000 km. J’ai beaucoup cogité sur ce projet. Il y a 2 ans, je me suis dit « aller je me lance, je suis capable de le faire alors pourquoi pas moi » et 6 mois après j’étais en train de marcher sur le PCT. Avant de partir je me suis posé la question « est-ce que je suis vraiment capable de marcher si loin et si longtemps ? Le seul moyen de le savoir, c’était de le faire ». J’avais cette envie égoïste d’aventure solitaire ,  de chercher mes limites physiques et mentales, de vivre de façon minimaliste. C’est vraiment quelque chose que j’avais au fond de moi. »

J’ai aussi expérimenté la vie « classique », j’avais tout pour être heureux mais il me manquait quelque chose pour trouver mon bonheur. Je suis allé le chercher dans une vie beaucoup plus simple. 

OÙ EN ÉTAIS-TU DANS TA VIE QUAND TU ES PARTI ?

« C’est une continuité d’autres aventures. Il y a 4 ans, j’ai décidé de vivre une expérience et de mettre toute ma vie dans un sac pour vivre en mouvement. J’habitais à Paris. Étant pharmacien, je ne faisais que des remplacements ce qui me permettais d’avoir une certaine liberté. Je n’étais pas dans une ligne carriériste. J’étais déjà dans cette volonté de construire une vie à côté de mon activité professionnelle notamment au travers de mes expériences en pleines natures. Tous les lundis je changeais d’arrondissements parisiens, j’allais de Airbnb en Airbnb. J’ai ensuite habité à Barcelone, Lisbonne… Le but était vraiment de suivre le fil, de ne pas trop anticiper, de ne pas trop me cadrer, de pas prendre d’engagement. Je cherchais l’inconfort et l’instabilité. J’adorais aller chercher cet inconnu-là, où on ne sait jamais ce qui va se passer. Aussi, grâce à mon travail, au pire du pire, je pouvais toujours aller travailler facilement en pharmacie donc je n’avais pas cette crainte-là d’être sans rien. Prendre des risques ok mais j’avais toujours une sécurité derrière. J’ai aussi expérimenté la vie « classique », j’avais tout pour être heureux mais il manquait quelque chose pour trouver mon bonheur. Je suis allé le chercher dans une vie beaucoup plus simple. »

COMMENT AS-TU PRÉPARÉ TON VOYAGE ? 

« Première chose : l’administratif. Pour vivre 6 mois aux USA, il faut un visa et pour dormir dans les parcs nationaux, il vous faut un permis. Ce permis est octroyé une fois par an, avec tirage au sort en novembre et en janvier. Il faut ensuite trouver la bonne fenêtre au niveau des dates, le bon timing pour faire l’expédition par rapport aux températures et ne pas avoir trop de neige à certains endroits. J’ai été tiré au sort en janvier pour un départ en avril. Ensuite, il faut se rendre à l’ambassade pour obtenir un visa B2 (tourisme) sous forme d’entretien. Pour avoir ce visa, il faut montrer vos réelles motivations, dire pourquoi vous vous rendez aux Etat-unis et prouver que vous rentrerez bien en France ( du moins sortir du territoire) après votre voyage.

Ensuite, j’ai eu 3 mois de préparation avant le grand départ. Il n’y a pas eu vraiment de préparation physique. Je ne voyais pas comment m’entraîner à marcher 12h par jour pendant 5 mois. Je me suis dit que j’allais prendre mon aventure comme entraînement. En m’écoutant au début, et y aller doucement. »

PEUX-TU NOUS PARLER DE TON MATÉRIEL ?

« J’ai surtout préparé ce voyage en cherchant du matériel ultra léger. J’ai commencé avec un sac de 60L et j’ai fini avec un sac de 38L. Aux Etats-Unis, ils utilisent beaucoup de matériaux en Dyneema, une fibre très légère et solide. Par exemple, ma tente faisait moins de 500gr ! 

Je suis parti avec 19kg (eau et nourriture comprises) sur le dos. Il y a eu une énorme évolution entre mon sac à dos de départ et celui d’arrivée. J’ai pu vraiment m’apercevoir qu’il y avait pas mal de chose dont je n’avais pas besoin bien que je les pensais indispensables au début de mon aventure. La vraie liberté est aussi dans la légèreté. J’avais très peu de vêtements également. J’ai fais beaucoup de compromis par rapport au confort personnel mais dans le but d’être plus léger et confort dans la marche. 

Le matériel dépend vraiment de chacun en fonction de ce que chacun a besoin. Il n’y a qu’en l’expérimentant qu’on peut réellement savoir ce dont on a besoin. Sur un trail comme celui-ci, il y est toujours possible de commander des choses et de les recevoir dans les villes les plus proches.

Concernant la recherche d’itinéraire, je ne suis pas très montre et GPS. Je prenais un téléphone avec une application qui s’appelle Gaia sur laquelle je télécharge les cartes que j’utilise aussi pour les randos en France. Il existe aussi l’application Guthook’s, qui est une appli sociale pour ceux qui veulent faire le PCT. Il y a le tracé, les points d’eau, les camps sites. Au début je suis parti avec une batterie portable. Mais cela m’obligeait à rester à un endroit pour la recharger et ce n’était pas très pratique. Ensuite, j’ai acheté un panneau solaire de 10 watts que je branchais sur une plus petite batterie. J’avais toujours ça sur mon sac et cela permettait de recharger mon téléphone et ma frontale. »

QUELLE ÉTAIT TA JOURNÉE TYPE ? ET COMMENT FAISAIS-TU POUR TE RAVITAILLER ?

« Dans ma journée type, il y a vraiment eu une évolution. Au début, j’avais une liberté totale mais j’ai fini par avoir un certain rituel journée après journée. Je me levais tôt le matin entre 6h et 6h30. Vers la fin du trail, je ne dormais même plus sous tente, je dormais à la belle étoile dans mon sac de couchage. En 15min mon sac était fait et je partais directement sans manger. Je m’arrêtais 2h après pour manger, je faisais des pâtes. Je n’avais pas de réchaud ( pour plus de légèreté) donc je mangeais froid, des aliments bruts,  pour lesquels j’avais juste besoin d’eau. Je m’arrêtais quand j’avais faim, je n’avais pas d’horaire, j’avais des barres de céréales que je mangeais toute la journée. Je ne faisais pas beaucoup de pauses, je ne sentais pas l’envie de rester une après midi quelque part, j’avais besoin et envie de marcher. Je marchais jusqu’à 19h 20h.

Concernant le ravitaillement, l’avantage du PCT, c’est que le chemin passe vraiment en pleine nature. La plupart du temps, il faut sortir du trail pour aller se ravitailler. Je calculais de quoi j’avais besoin sur 5/ 6 jours en nourriture, je regardais sur la carte où je pouvais aller pour acheter de quoi manger et je calculais les km et la difficulté du terrain en fonction. Je sortais du trail, je faisais du stop pour aller en ville. Des fois je faisais une lessive quand j’avais le temps, parfois je dormais là-bas. Je me suis rendu compte que je mangeais toujours la même chose, et que ça m’allait très bien ! Donc je faisais au plus simple. »

ET L’HYGIÈNE DANS TOUT ÇA ?


« Il y en avait peu. Je me brossais quand même les dents, mais je n’avais pas de savon. J’avais juste un short. Au début, je prenais des lingettes pour me nettoyer ( au moins les pieds)  mais ce n’était pas ultra nécessaire et non bio dégradable donc c’était quelque chose  que je devais porter après. J’avais aussi une pelle à caca, c’est très important de ne pas laisser de traces de son passage. Quand il y avait une source d’eau, je me rinçais. Autour du trail, les gens savent que tu marches et donc savent que ton hygiène est limitée. Mais quand j’ai eu fini la marche et que je suis arrivé à Vancouver, j’ai vraiment vu que j’étais différent et on m’a fait comprendre que j’étais différent. J’étais limité à un regard de rejet assez violent et hautain après avoir marché 5 mois en solitaire. »

UNE ANECDOTE À NOUS RACONTER ?

« C’était une année à neige, donc assez compliqué. Je suis parti avec une tempête de neige. J’ai quand même décidé d’aller dans la Sierra. Beaucoup de personnes avaient décidé de contourner les montagnes pour éviter la neige, et nous n’étions vraiment pas nombreux à avoir décidé d’y aller quand même. La plus belle rencontre que j’ai fais, c’était à la fin de la Sierra, après avoir marché un mois dans la neige, un mois très dur. J’ai été accueilli par une personne, chez elle, pendant 4 jours. Je suis arrivé un 4 juillet. Elle m’a fait la visite de la ville, elle m’a emmené voir un feu d’artifice sur le lac, j’ai eu le droit à un BBQ, le matin des petits déjeuners monstrueux. Rencontrer des gens qui ne te connaissent pas et qui t’accueillent chez eux et qui te donnent un moment de leur vie, c’est incroyable. Des échanges inoubliables. Je suis reparti reboosté ! 

La rencontre la plus folle ? la rencontre avec un ours et un loup. On redoute beaucoup cette rencontre mais d’un côté on l’espère aussi ! Bien sûr, pour éviter les attaques, je mettais toujours ma nourriture à l’extérieur, jamais dans la tente. La nourriture était dans des conserves conçues spécialement pour que les ours ne les ouvrent pas. »

COMMENT S’EST PASSÉ LE RETOUR EN FRANCE ?


« A l’arrêt de la marche, le corps ne comprend pas. D’un côté, il y a le corps qui dit « j’ai envie de continuer » et le cerveau qui dit de se reposer. Il reprend quand même les vieilles habitudes, j’ai eu un peu mal au genou, mais le corps se réhabitue très vite. Le sommeil est le meilleur allier pour le corps, être loin des écrans, se réveiller et dormir en fonction du lever et coucher du soleil. 

Cette aventure a forcément impacté ma vie. Je voulais écrire un livre mais trop rapidement après mon retour. J’ai encore besoin de digérer ça, mais aujourd’hui,  je suis beaucoup plus flexible et à même de savoir ce que je veux. J’ai envie de continuer les randonnées longues ou moyennes distances. Je veux continuer à partager ma passion. »

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